L’ENCIECLOPÉDIE DES GLACES

Abeille

Quelque part en ancienne Chine, un Chinois entreprenant rêvait de faire du miel et offrit à Liensun les moyens d’aller en Africania chercher un de ces insectes fabuleux qui y aurait résisté au froid.

Actions

Elles sont nombreuses, aussi bien pour ce qui est du dramatique que pour la référence au système boursier. Excepté en Sibérienne et en Africania – ce qui renvoie à notre monde – toutes les Compagnies fonctionnent sur la participation des actionnaires. Des gros, combattus par Kurts à la demande de Floa Sadon, aux petits auxquels Yeuse – après avoir hérité des actions de Lady Diana – tentera de donner un pouvoir. Il y a aussi celles partagées par le Mikado et le Kid ou détenues par les Néo-Catholiques.

Le pouvoir se maintient grâce à ce système mais lâche parfois quelques miettes de puissance en distribuant des actions, et récompense les mérites de certains combattants. Hélas ! elles sont tout de suite, ou presque, récupérées par les forces militaires ou ferroviaires qui les rachètent. Certains croyants allant parfois jusqu’à offrir en dons ces signes de pouvoir à leur église.

Yeuse, devenue présidente de la Panaméricaine, demandera, sous la pression de ceux qui l’ont aidée et qui veulent instaurer une démocratie pour une meilleure répartition des bénéfices, la distribution des actions et tentera de réguler leur commerce pour éviter les rachats par les gros actionnaires. Cela tournera au fiasco et sera noyé par le dégel.

Âge

Les personnages sont jeunes ou vieux, et seuls les héros vieillissent (au fur et à mesure du déroulement de l’histoire), sans que soit réellement précisé leur âge exact. J’ai cinquante ans et quelques, dira Lien Rag dans le dernier épisode, et encore cette précision n’intervient-elle que pour marquer une différence (Yeuse est toujours désirable malgré ses cinquante ans).

C’est au lecteur de faire le décompte du temps, de mesurer que, comme l’auteur, il a vieilli au rythme des parutions (étalées sur plus de vingt ans). Les défaillances physiques, les changements de comportement marquent les effets de ce vieillissement.

Les Roux ne mesurent pas l’âge, ils comptent le temps en grossesses, et s’inquiètent du vieillissement en fonction de la diminution de leurs capacités sexuelles. Et même si, selon l’expression consacrée, le froid conserve, certains personnages comme Palaga le Maître Suprême des Aiguilleurs s’entretiennent pour donner l’illusion de la jeunesse.

Les morts ne sont en principe pas dues à l’âge sauf celle du vieux Pavie, qui avait recueilli et protégé Jdrien.

Aiguilleur

Caste dominante, héritière des colons terriens partis s’installer sur une planète lointaine, Ophiuchus IV, en vue de sauver les hommes de la glaciation due à l’explosion de la Lune.

On trouve dans le Bulb, en même temps que l’on découvre l’Abominable Postulat, la salle d’entraînement de ceux qui exerceront leur puissance sur Terre en s’arrogeant le droit d’être les seuls responsables de la circulation des trains. Ils seront distributeurs de boîtes, de cartes de priorité et éditeurs des Instructions Ferroviaires qui définissent les voies empruntables, autorisées… Bien sûr, comme toute caste et hiérarchie, elle a ses règles (mortelles comme celle qui consiste à l’impossibilité de prononcer le mot Ophiuchus), ses rites (la mort de l’Aiguilleur : la victime est écrasée par un wagon alors qu’elle a un pied pris dans l’étau d’un aiguillage. Ce supplice est subi par ceux qui la trahissent), ses lieux – dont une ville-station entière où viennent se reposer les responsables, et qui sert de point de départ et d’arrivée à la Voie Oblique.

On notera que certains n’hésitent pas à enfreindre les lois instaurées par la Caste, en construisant des lignes privées, en utilisant d’autres moyens de locomotion que les trains, et ce bien avant l’apparition des dirigeables.

Alcool

La première bouteille retrouvée contenait de la vodka, ainsi tous les alcools sont baptisés vodka.

Dans les parties les plus reculées du monde, celles où ne pénètre pas vraiment la civilisation, les habitants distillent un alcool dangereux à partir du glycogène contenu dans le foie des phoques.

L’alcool sert de monnaie d’échange aussi sûrement que l’argent, mais les héros se refusent à précipiter la déchéance qu’entraîne son absorption et ainsi sauvegardent l’identité des tribus qui survivent loin des rails (Esquimaux, Roux).

Les gens boivent pour échapper à leur détresse morale.

Lien et Jdrien, utilisant leur capacité psy, provoquent des états proches de l’ivresse.

Allusion(s)

Directes, elles reprennent plus ou moins finement dans le cours du récit des éléments des épisodes précédents pour expliquer certaines choses.

Indirectes et plus ou moins voilées, elles transposent dans le monde des glaces des éléments de notre réalité (les Cellules de Coordination Populaire renvoient aux Khmers rouges, la vodka renvoie à l’alcoolisme combattu par Gorbatchev par exemple). C’est dire à quel point les romans d’Arnaud ne sont pas innocents et combien ses travaux précédents, notamment ses romans d’espionnage, ont pu nourrir le monde des glaces.

Ambassadeurs-représentants

Personnages importants qui représentent les Compagnies au siège de la CANYST et votent pour prendre des décisions. Parfois, ils n’hésitent pas à jouer un rôle personnel contre la Compagnie qu’ils représentent… Et osent dans certains cas des actes courageux au point de risquer des vies, puisque une commission envoyée par eux dans les Andes sera détruite par les hommes de main de Lady Diana. C’est grâce à leur vote que Yeuse pourra hériter de la puissance de Lady Diana.

Ambition

Terme noble pour désigner la folie des grandeurs. On peut considérer qu’elle est le moteur des actions de quelques personnages importants.

Lady Diana : son ambition est à la mesure de son poids mais semble au service de sa Compagnie. Elle se manifeste par la construction du Tunnel qui doit relier le pôle Nord au pôle Sud et permettre la découverte des richesses enfouies sous les glaces.

Le Kid : son ambition serait inversement proportionnelle à sa taille de gnome. Elle se manifeste par le désir de créer sa Compagnie, des réalisations grandioses : le Viaduc de glace qui doit traverser le Pacifique, sa ville de Titanpolis aux cinq coupoles de glace, une monnaie : la Calorie, et peut-être par le désir d’instaurer une démocratie.

Après des heurts bien compréhensibles (dont une guerre) ces deux ambitions s’accorderont pour lutter contre celle des Rénovateurs de voir le Soleil briller à nouveau.

Liensun : jeune ambitieux maladroit, supportant mal de devoir rendre des comptes, et qui espère fonder lui aussi une Compagnie, celle des Cargos du Soleil. Il se heurte un peu à tout le monde suivant le moment.

Tharbin : soutenu par le jeune et maladroit Lafitte opposé à Liensun, veut faire du Consortium des bonzes la plus puissante des compagnies.

Herandez : guide ou Caudillo de la Guilde des Harponneurs, ambitionne de renverser le Kid et de gouverner le monde.

Quelques autres ambitieux se manifestent sporadiquement comme le président du pays de Djoug qui rêve de posséder un hydravion, ou Narmille qui s’est associée aux Harponneurs.

Amour

Acte et sentiment, c’est un des moteurs de La Compagnie. Les deux se confondent souvent et dans ce cas l’action est positive, sauf peut-être pour ce qui est de Kurts le pirate et de Floa Sadon qui ne peuvent se désunir que dans la mort.

Quand le désir est plus fort que le sentiment qui l’anime, les personnages ont mauvaise conscience et excusent leur relation en invoquant des raisons plus ou moins crédibles à leurs yeux.

Quand le sentiment est aussi fort sinon plus, que le désir, on voit l’amoureux hanter les jeux érotiques de celle qu’il aime.

Quant à la sexualité des Roux elle est dépourvue de sentiment. Elle est libre et sans distinction d’âge au sein de la tribu et surtout ne s’embarrasse pas des contraintes morphologiques. Cette liberté de mœurs bien visible chez les Roux qui travaillent sur les dômes des villes en choque beaucoup et est certainement à l’origine de la haine qu’ils génèrent. En revanche, elle manque singulièrement d’audace et Lien Rag comme son fils Jdrien perturbent un peu une ou deux tribus en essayant d’introduire des variantes à la position du missionnaire.

L’homosexualité est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes.

On notera que les personnages principaux ont tous eu une liaison physique avec Yeuse qui, Ève de la nouvelle ère, focalise les désirs et s’attache aux deux sexes.

Au registre des bizarreries (hormis les relations Hommes / Femmes du Chaud avec des Hommes / Femmes du Froid qui, produisant des métis, amènent des relations avec ces mêmes métis, ou les rapports qui oublient les différences d’âges : Ann Suba et Liensun, Charlster et ses étudiantes) on notera le personnage du Kid, difforme mais bien membré, Lienty Ragus dit Gus, cul-de-jatte, et ses rapports avec Yeuse, la grosse Sunny qui ne fait pas l’amour mais recherche des géniteurs que sa fille met en condition, Kurts qui a un enfant d’une des habitantes phosphorescentes du Bulb. Il y a aussi Liensun qui corrompt Murmose, une jeune Asiatique, pour la transformer en prostituée, ou encore le père Faro qui maintient une pression sexuelle sur sa troupe de fidèles grâce à des drogues et un membre bien constitué, ou enfin une sexualité sur commande pour cette jeune femme des services de sécurité des Aiguilleurs dont on dit qu’elle prélève le sperme de ceux qu’elle séduit pour que l’analyse génétique en soit faite.

Autre cas à part, Songe qui ne s’intéresse guère à ça et s’investit dans le commerce au point d’oublier que les étreintes peuvent être autre chose que mécaniques.

Enfin, la manière dont Lien Rag parvient à échapper à la menace de Jelly en utilisant le train phallus qui la traverse, et tous les désirs de zoophilie qui hantent ceux qui seront en contact avec les loupés ou Garous aux formes féminines attrayantes.

On notera que personne ou presque ne dit je t’aime – sauf Reiner, le secrétaire particulier de Yeuse, qui profite d’un moment de grand danger pour déclarer sa flamme – comme si le froid avait diminué la capacité de sentiment. Ce sont les autres qui se demandent si untel et unetelle s’aiment.

Amibe

On ne sait d’où elle vient, et toutes les hypothèses émises devront attendre la mise au point ou l’explication d’un des volumes de l’univers de La Compagnie des Glaces.

Il s’agit d’une énorme masse gélatineuse, d’où son nom : Jelly, qui se nourrit du vivant par aspiration et ne laisse que les vêtements, la peau et les os. Elle procède grâce à des filaments blancs ou plutôt translucides qu’elle effile à partir de sa masse, et qui sont capables de perforer la glace ou de s’infiltrer partout.

Jdrien, au prix d’un effort intense, en viendra à bout en mêlant à son sang la mémoire des hommes qu’elle a aimés (certains Rénovateurs). Elle permettra indirectement la reconnaissance mutuelle des deux frères.

Après avoir effrayé les explorateurs maritimes du Kid, elle « disparaîtra » sans raison.

Amitié

Comme l’amour, moteur essentiel de La Compagnie, elle lie aussi bien les hommes que les femmes, et un homme ou une femme. Elle naît dans les épreuves et remplace une impossibilité d’amour. Cette naissance la rend généralement fragile, et en sens inverse, lorsqu’elle est trahie, sa perte se fait aussi moteur d’action. Mais elle n’est quasiment jamais nommée comme telle.

Elle prend dans la relation entre Lien Rag et Kurts un tour particulier au point de séparer les deux hommes. Et dans le cas de Ma Ker, elle n’est qu’un avatar de la maternité lorsque la Rénovatrice adopte Liensun. Sur la fin de sa vie, le Kid fatigué et usé regrettera les amitiés enfuies.

Animaux

On traitera les principaux à chaque lettre, mais il faut noter qu’en ces temps d’ère glaciaire les hommes n’ont guère le cœur à s’intéresser ou à s’occuper d’animaux familiers. Seul Jdrien et son goéland semi-apprivoisé et un ou deux autres personnages comme le vieux Pavie et sa chèvre, ou Gus dans ses rapports avec le Bulb, semblent avoir assez de désirs pour entretenir une relation suivie avec un animal.

Argent

Dollars d’abord puisque la Compagnie qui domine le monde est la Panaméricaine, puis ensuite Calorie lorsque celle de la Banquise rivalise de puissance. Enfin l’or qui sert de monnaie d’échange quand le réchauffement de la planète perturbe tout le système politico-économique.

Tout s’achète et tout se vend. Des charmes des prostituées jouant les jeunes filles auprès de Charlster pour cent dollars par jour, aux tonnes de nourriture et de matières premières, en passant par le transit ferroviaire et les Concessions.

C’est grâce à l’argent – ce qu’ils gagnent et dépensent – que les premiers Rénovateurs sont suivis à la trace par Lady Diana qui les pourchasse. À noter aussi que l’effondrement de la civilisation du Froid ou du Chaud entraîne celui de la monnaie et fait perdre à l’argent toute valeur au bénéfice du troc.

Arme

Du lance-missiles au couteau en os ou à lame d’acier, en passant par le pistolaser ou le canon de D.C.A. – ce dernier n’apparaît que tardivement avec la création des dirigeables –, on trouve dans La Compagnie des Glaces un véritable arsenal en action, y compris des chevaux de guerre ferrés pour galoper sur la glace. Mais les armes les plus redoutables utilisées par les personnages sont sans conteste le chantage ou la prise d’otage, l’arme économique – machine ou ravitaillement – et la déportation.

Armée

Toute La Compagnie des Glaces est parcourue du fracas de la guerre, et l’armée joue donc un grand rôle. D’une part à cause de l’importance de certains officiers (du lieutenant tué par Yeuse au Maréchal Sofi, président du Moratoire de Sibérienne, en passant par les officiers plus ou moins dissidents et incompétents) et d’autre part à cause du nombre élevé d’hommes qu’elle fait mourir.

Les officiers sont présentés comme rigides et appliqués à leur fonction, sans grande intelligence. Cet aspect schématique et quelque peu conventionnel est corrigé par le comportement du lieutenant Skoll… mais il faut avouer que c’est un métis de Roux et donc un individu différent, et par le Maréchal Sofi lui aussi différent puisque manchot (on l’imagine au cinéma interprété par Orson Welles ou Erich von Stroheim).

On trouve une armée de Pirates du rail dont la désorganisation permet à Lien Rag d’éviter le pire. Une armée de Harponneurs de baleines, par deux fois en dissidence contre le pouvoir, et composée d’individus sans foi ni loi puisque ayant intégré dans ses rangs des anciens bagnards libérés par le réchauffement.

Art

Excepté celui des artistes de cabaret qui peut être considéré comme étant de moindre valeur, l’art en général ne dispose que d’une place très moyenne dans La Compagnie des Glaces.

Yeuse parvient par ses exigences à faire de Kaménépolis un centre artistique de haut niveau (théâtre, musique et danse surtout) dont les productions sont exportables comme la pièce de Ruanda son mari. Mais au grand regret du Kid – que l’on soupçonnera de vouloir détruire la ville – les gens peu portés sur la culture à proprement parler préféreront bientôt les restaurants et les maisons closes et feront de ce centre artistique un lieu particulier de débauche.

Astronaute

Le pilote ou commandant de bord du vaisseau spatial Terra, de la famille Bermann Veriano, fut un espoir pour les populations terrestres au moment de la Grande Panique. Chacun espérant que le vaisseau viendrait le prendre pour l’emporter sur la planète Ophiuchus.

Lien Rag découvre l’existence de cette famille par hasard, et comprend son importance grâce à des fragments de journaux retrouvés dans un G.I.D. Tous ses membres ont été assassinés par un des Tarphys, tueurs à la solde de Lady Diana.

Aveugle

Hormis l’aveuglement intellectuel ou sentimental de certains personnages, on notera que Julius Ker devient aveugle pour avoir regardé le Soleil à la suite de la première expérience des Rénovateurs scientifiques pour faire à nouveau briller l’astre.

Lors de la deuxième expérience, c’est Lien Rag en train de construire le Viaduc, qui est sur le point de devenir aveugle. Il pleure et ne perd pas la vue. On se souviendra de l’épisode de Michel Strogoff de Jules Verne, où le héros évite à ses yeux la brûlure du sabre chauffé au rouge, par les larmes qui lui viennent en pensant à sa mère.

Quelque part dans le Bulb survit une population aveugle.

Avion

Interdit de par le statut ferroviaire des Compagnies et la glaciation. Il faut attendre que Kurts découvre un entrepôt d’hydravions pour voir réapparaître ces engins dans le ciel croûteux de la Cie. L’appareil devient outil et enjeu. Outil de bombardement contre les Harponneurs ou les bonzes, puis après la mort de Kurts et la création par Ann Suba d’une Manufacture et d’une école de pilotage, enjeu économique et militaire. Le président du pays de Djoug, qui veut à tout prix en posséder un, mettra des bâtons dans les roues du développement de Lacustra City. Le pilotage et la maintenance de ces appareils étant plus faciles que ceux des dirigeables, ils sont très recherchés. Mais les dernières pages voient voler un dirigeavion à turbines – hybride de dirigeable et d’avion – issu de la Manufacture Kurts.

Bagne

Trains-bagnes circulant en continu avec deux locomotives, une à chaque extrémité du convoi, comme les trains-psychiatriques. Yeuse arrêtée pour le meurtre d’un officier s’y trouve condamnée, dans des conditions effrayantes, à devoir fabriquer des vêtements de fourrure. Liensun délivre le professeur Charlster de l’un d’entre eux, et les Harponneurs recrutent des bagnards libérés de leurs trains par le réchauffement.

Baleine

Deux variétés sans tenir compte des espèces. D’une part, celles qui, rampant sur la glace, sont harponnées et dépecées pour fournir de l’huile et des denrées alimentaires. D’autre part, les Solinas ou baleines volantes qui, un temps dressées par les humains pour donner des spectacles, ont passé un accord avec les Hommes-Jonas. Ces derniers habitent leur corps dans une symbiose amicale. Elles sont responsables de grandes frayeurs car la population clouée au sol conçoit mal un tel phénomène.

Les dirigeables naissent de la découverte sur un cadavre de baleine, des filtres à hélium qu’un des Rénovateurs parviendra à reconstituer.

La référence à Moby Dick, le roman d’Herman Melville dans lequel le capitaine Achab est à la poursuite de la célèbre baleine blanche, est quasiment constante dans toute La Compagnie.

Bateau

À côté des embarcations utilisées dans les endroits libres de glace et qui servent à la pêche et aux déplacements des autochtones, du voilier-monde Chimère qui n’a jamais cessé de naviguer et des voiliers montés sur rails qui utilisent la force des vents, les autres bateaux sont d’abord ceux prisonniers des glaces. Enjeux de spéculations et de quêtes en raison de leurs chargements mythiques, ces vieux cargos reprendront éventuellement du service au moment du réchauffement, avec ou sans leur cargaison initiale. Il y a aussi ceux, rudimentaires, fabriqués par les hommes pour échapper à la fonte des glaces. Enfin, ceux élaborés à partir de modèles retrouvés soit dans des illustrés, soit dans des livres – le premier fut commandé par Lady Diana – et construits dans les chantiers de Titan, ou du Consortium des bonzes par Lafitte le rival de Liensun, et qui rivalisent avec les dirigeables pour le transport des marchandises et des hommes. N’oublions pas ceux de glace, imaginés par Lien Rag sur le modèle des icebergs, utilisant les capillaires créés pour la construction du Viaduc.

Le/la Chimère est une exception qui montre à quel point G.-J. Arnaud décline ses idées. Voilier mû par un réacteur nucléaire, il s’agit d’un bateau-univers où depuis la Grande Panique vit une famille. Autre exception, les pirogues-cercueils de l’île Christmas.

Peut-être peut-on intégrer à cette liste l’existence des radeaux-trains de bois construits par des marins.

Bibliothèque

Il va de soi que dans ce monde où le bois subglaciaire sert avant tout de combustible, la production de livres est réduite – quelques milliers d’ouvrages – et condamnée par la nécessité de trouver un autre support que le papier. Lien Rag, à la recherche de l’origine des Roux, fouille les rayonnages d’une bibliothèque après avoir constaté que celle qui aurait pu l’informer sérieusement se trouve au fond d’un gouffre, avec la ville déportée qui était un centre intellectuel et d’édition.

En fait, ces bibliothèques de grandes villes sont surtout les dépôts des archives diverses de leurs administrations.

C’est Gus qui, à la recherche de documents sur le béton et le gravier, nous fera pénétrer dans la plus grande bibliothèque qui soit, celle de Karachi Station. Labyrinthique et spiralée, mi-coquille d’escargot mi-casse de wagons, elle renferme la mémoire du monde sous la protection jalouse d’un Kahn. Elle est, elle aussi, un univers à part entière avec ses règles et ses lois.

Autre bibliothèque d’importance, mais tout aussi connue aujourd’hui, celle du Vatican dont la rumeur dit qu’elle recèle des données importantes tenues secrètes. Arnaud la transpose en terre glacée et lui fait surmonter toutes les intempéries subies par la planète.

Les Néos y ont trouvé des informations et des documents intéressants. Elle est interdite d’accès à Lien Rag qui cherche à dater précisément le début de l’ère glaciaire, et quelqu’un signale que la formule du carbone 14 y est conservée.

Si rien n’est dit quant au sort de Karachi Station au retour du Soleil, on sait par contre parfaitement ce qu’il en est de la bibliothèque vaticane dont le Kid voudrait bien percer les secrets.

Bijoux

Rares. Les couples ne portent pas d’alliances, sans doute faut-il imaginer un cours prohibitif de l’or interdisant ce type de signe. Seule Lady Diana, la richissime P.-D.G. de la Panaméricaine, est désignée comme en portant. En fait, ces bijoux « n’apparaissent » que dans la mesure où ils lui entrent dans la chair, tellement elle est obèse.

Blessure

Lien Rag échappe à la guerre, où s’affrontent la Sibérienne et la Transeuropéenne, pour cause de blessure grave à la jambe. Cette blessure disparaîtra comme par enchantement, c’est-à-dire qu’il n’en souffrira plus ou presque, même dans les moments les plus difficiles.

Les autres blessures sont les conséquences d’actions plus ou moins heureuses et surtout des « retardeuses » d’action. Elles interviennent pour permettre aux héros de prendre du recul ou d’être sauvés, et sont sans gravité ou mortelles (on aura compris que dans ce dernier cas il ne s’agit que d’un héros secondaire).

Bois

Un panneau de bois d’une porte ancienne vaut une petite fortune et cela génère un trafic clandestin du bois. Les arbres ont été saisis par le froid, fossilisés, et offrent des spectacles exceptionnels à ceux qui traversent des forêts sous-glaciaires.

D’une part combustible et d’autre part matériau de construction, le bois acquiert une grande importance lorsque Liensun découvre le pays de Djoug – cité lacustre bâtie à flanc de banquise à l’aide d’immenses troncs. Il lui faudra attendre de trouver une forêt exploitable, l’installation d’une scierie digne de ce nom et des conducteurs de « trains » de bois pour mener à bien la construction de Lacustra City – ville sur pilotis – et prévoir des routes de bois pour y faire passer des véhicules à roues. Il est à noter que le responsable de la scierie pense un moment à fabriquer du lamellé-collé, et en vient à confectionner du pré-assemblé qui permet de construire des immeubles de plusieurs étages en un rien de temps.

Boisson

On trouve à peu près, progressivement, toutes les boissons – depuis le jus d’orange jusqu’au rhum – mais ce sont pour la plupart des boissons de synthèse. En fait ce n’est pas tant le goût qui les distingue que leur valeur marchande (basée, on s’en doute, sur la difficulté à les produire). Il semblerait que tout le monde, par ennui, s’adonne plus ou moins à la boisson, exceptés les héros…

Bouts

Espèces de cigares rouges que l’on appelait des bouts et qui étaient légèrement euphorisants. L’usage des drogues n’est pas interdit, il est simplement surveillé. Ces euphorisants comme les cigarettes n’apparaissent que pour combler une attente. En revanche, il est à noter la forte consommation d’anxiolytiques par les habitants de la Compagnie de la Banquise qui craignent toujours sa disparition dans les eaux de l’océan.

Cabaret

Une danseuse de cabaret, c’est un peu une prostituée, n’est-ce pas ? On pourrait dire que tout commence avec le cabaret Miki qui occupe une dizaine de voies et présente des spectacles séduisants pour distraire les officiers en guerre.

Yeuse y est danseuse nue, et spécialiste des imitations dont celle de Marilyn Monroe (précieuse indication quant à sa plastique). Le Kid en est l’aboyeur avant d’en devenir le responsable, puis de le quitter lorsqu’il est bloqué en Sibérienne. Lien Rag déguisé en Roux y fera un bref séjour pour échapper à ses poursuivants.

Cadavre

Cadavres d’animaux, de garous en putréfaction. Cadavres de Roux abattus, cadavres encombrants, toute la gamme est là. C’est un phénomène naturel dont Arnaud a trouvé le moyen de tirer parti : ils constituent, broyés et mêlés à un solvant, un excellent combustible. Le Kid leur doit sa fortune dans la mesure où il organise le transport de corps retrouvés le long du Gange. Là où les Indiens se sont réfugiés au début de la Grande Panique et où ils ont gelé. Ce sont eux que l’on fait brûler pour alimenter la centrale de Magellan Station, pour obtenir l’énergie nécessaire à la construction du Tunnel de Lady Diana.

On notera aussi la présence envahissante et effrayante des cadavres de toutes sortes qui flottent dans l’espace autour du Bulb et qu’il faut repousser lorsqu’ils pénètrent dans un sas à la suite de Gus.

Et enfin celui de Kurts récupéré par sa machine.

Chantage

Au sentiment, de la part de Lady Diana sur Lien Rag pour obtenir des Roux comme ouvriers pour son Tunnel, et pour qu’il cesse ses investigations sur la Voie Oblique. Tout cela en échange de son fils.

Chantage de la population naine du voilier Chimère qui n’offrira de l’huile qu’en échange de relations sexuelles, dans le but de réduire leur dégénérescence.

Chantage enfin contre Jdrien pour qu’il mette fin à la guerre que les Roux livrent aux Harponneurs.

Chat

Espèce à peu près disparue que l’on peut découvrir dans les zoos. Les chats sont devenus la proie des chiens au moment de la Grande Panique et cela explique la prolifération des rats.

C’est grâce au cadavre de celui trouvé dans les wagons d’habitation de la famille Bermann Veriano que Lien Rag comprend comment sont morts ces gens-là.

Un vieil homme qui informe Yeuse vit en compagnie d’un chat. On pourrait trouver à celui-ci une certaine ressemblance avec Paul Léautaud dont les écrits ont peut-être inspiré un des nombreux avatars d’Arnaud.

Chaud

La Compagnie des Glaces oppose bien sûr les Hommes du Chaud, rescapés de la Grande Panique ou transfuges du Bulb, aux Hommes du Froid.

Pour les premiers, la chaleur naît de l’apport en électricité transmis par le rail.

Mais avant cela, avant la construction des villes sous dôme, les hommes ont fait la course à l’énergie et utilisé à leurs risques et périls des déchets radioactifs : Il y a eu des accidents effroyables, des villes entières décimées par cette course aux combustibles. Mais il y avait aussi des gens qui mouraient de froid. On préférait mourir au chaud.

On sait combien le nucléaire a besoin de refroidissement, et cela fournit un épisode au cours duquel la Locomotive géante est sur le point d’exploser pour cause de surchauffe de ses réacteurs.

Dans les villes sous dôme la température ne dépasse guère les quinze degrés, dans les trains il est difficile de maintenir une température convenable… (ce sera d’ailleurs un des problèmes de la présidente Yeuse à qui l’on demande de fournir un 17/17 : 17 degrés / 1 700 calories).

Pourtant certains gros actionnaires, en Transeuropéenne par exemple, s’offrent le luxe de vivre sous un dôme qui abrite un lac et une végétation dignes des tropiques, ou fréquentent des endroits qui pourraient ressembler à des saunas.

Enfin lorsque reparaît le Soleil, la chaleur est telle que l’eau de l’océan chauffe, que des nuées ardentes envahissent les airs et que les températures montent jusqu’à cinquante ou soixante degrés dans certaines régions.

Pour les seconds, le chaud est insupportable au bout d’un certain temps. Cette particularité est utilisée pour menacer Jdrien, métis du Chaud et du Froid. Mais il est possible aux Hommes du Froid d’absorber des hormones qui augmentent leur tolérance à la chaleur et permettent bien sûr des relations sexuelles. Quant aux métis qui vivent en Zone Occidentale et peuvent supporter des températures plus élevées ou plus longtemps, ils finissent par se vêtir pour ressembler à des Hommes du Chaud.

Chevaux

Yeuse frémit en présence des petits chevaux montés par les soldats du Maréchal Sofi. Des chevaux ferrés spécialement pour galoper sur la glace, qui pourraient descendre des chevaux des steppes et qui se nourrissent de viande humaine.

Yeuse, en plein réchauffement et dans l’impossibilité de continuer à utiliser les anciens moyens de transport, se déplace sur un petit cheval.

Chien

La fourrure de ces animaux sert à confectionner des manteaux moins chers, bien sûr, que ceux en peaux de loup, et qui induisent un niveau de vie inférieur.

Chez certains éleveurs et pour certaines tribus d’Esquimaux, peu respectueux des lois instaurées par la CANYST qui interdisent tout autre moyen de transport que le train, ils sont tireurs de traîneaux. Et réunis en attelage valent une petite fortune. Farnelle, à la recherche de Jdrien, devra la vie à l’un d’entre eux dont les maîtres et les congénères ont été assassinés par les Aiguilleurs.

Cimetière

La secte des Éboueurs de la Vie éternelle est chargée de l’inhumation-incinération des personnes importantes. C’est ainsi que Yeuse et Jdrien, à la recherche du corps de Lien Rag, découvriront des corps empilés dans des wagons et on leur proposera l’ampoule de cendres de Lien.

Dans la station fantôme où ils se sont réfugiés, Yeuse, Lien, Pavie, Jdrien et frère Pierre découvrent le cimetière des Solinas. À la mort du vieux Pavie, Jdrien lui fera un cercueil de glace auprès des baleines.

Près de l’usine de transformation des Harponneurs, le Kid autorise la création du Dépotoir où Finissent les ossements de baleines nettoyés par les Roux.

Tuée par un Homme du Chaud pour avoir osé se révolter, Jdrou, la mère de Jdrien, est ensevelie dans un bloc de glace et son tombeau transparent devient un but de pèlerinage pour les Roux. Jdrien et Jdriele, le Roux qui se dit son père, reposent près d’elle en Antarctique.

À Tristan da Cunha en plein Pacifique Sud, on trouve le « cimetière » des Bulbs dont les Ophiuchusiens se sont servis pour parvenir à réaliser le satellite artificiel vivant.

Ce dernier, avant d’entamer son agonie, indiquera qu’aux yeux de sa race le cimetière ne peut être qu’un trou noir et que pour rejoindre celui que ses congénères lui destinent il doit passer par l’hyperespace.

Cimetière particulier comme celui de l’île Christmas dont les défunts ont pour cercueil des pirogues remplies d’huile de coprah (une huile qui sera bien utile à un profanateur de sépulture nommé Lien Rag).

Clochard

Les clochards, les exclus de la société ferroviaire sont baptisés « traîne-wagons ». Ils constituent une sous-société avec ses règles et ses rites. Ces gens se déplacent au gré des propositions de travail qui leur sont faites. Le plus célèbre d’entre eux est Lienty Ragus dit Gus, ou encore « pingouin-concrete ». Cul-de-jatte qui s’est retrouvé amnésique au bord d’une voie ferrée. Il marche sur les mains en se dandinant comme un pingouin et déplace les objets avec ses dents. Son obsession est la découverte de Concrete Station, lieu bâti en ciment qui serait le point de départ de la Voie Oblique.

Clone

Désireux d’échapper à leur prison, le Bulb, Lien Rag et Kurts le pirate décident de confier à l’embryogénital qui fabrique les Roux quelques-unes de leurs cellules. C’est ainsi qu’ils voient partir pour la Terre Jdriele / Lien et Jdruk / Kurts qui auront la chance de trouver Farnelle sur leur chemin et d’avoir conservé une partie de leurs connaissances.

Jdruk, incapable d’amadouer la Locomotive de Kurts, subira un sort tragique. Quant à Jdriele, après avoir régressé et abandonné le système tribal des Roux, il retrouvera une mémoire qu’il n’aurait plus dû posséder pour se comporter en héros et tirer pendant des kilomètres la peau de loup rouge qui supporte le cadavre de Jdrien.

Combinaison

La combinaison isotherme est le vêtement principal des habitants du monde glacé. Hors d’elle, pas de salut ! Ainsi, Yeuse, annonçant à un de ses adjoints que bientôt grâce au retour du Soleil ils pourront se promener bras nus, s’attire un regard étonné.

La combinaison cache tout et étonne les Roux dont les femmes, inquiètes de ne pas découvrir d’attributs sexuels aux hommes qui en portent, voudraient bien les ouvrir au risque de geler ce qu’elles cherchent.

Quand la combinaison s’avère défectueuse, trouée ou recyclant mal sueur et urine, celui qui l’utilise risque la mort ou le gel des parties exposées au froid.

On trouve des combinaisons de contention pour les détenus agités ou dangereux, et même une combinaison spéciale réfractaire à Jelly, confectionnée par les ateliers du Kid et qui sert à Liensun.

La combinaison la plus sophistiquée, la plus chère sans doute, est la combinaison Symmons.

Comparaisons

Une des difficultés de la science-fiction est indéniablement cette « facilité d’écriture ».

Dans la mesure où vous inventez un monde, vous ne pouvez comparer les éléments que vous voulez présenter qu’avec d’autres appartenant au monde imaginé, ou alors vous devez expliquer que celui qui compare dispose d’éléments lui permettant cette comparaison.

Soit votre élément de comparaison existe bien dans le monde que vous avez créé, soit il faut que vous imaginiez une autre comparaison, soit enfin vous devez justifier la remarque de celui qui parle. Ici, la chose est relativement facile, il suffit de préciser que le personnage qui compare se souvient d’images rencontrées par hasard. Elle devient alors intéressante car elle permet à l’auteur de sélectionner dans le présent ce qui peut avoir de l’incidence sur l’avenir qu’il propose.

Conditionnement

Les Aiguilleurs, descendants directs des colons d’Ophiuchus IV et occupant un grade élevé dans la hiérarchie de la Caste, sont conditionnés pour succomber en cas de transgression de l’interdit de prononcer le mot « Ophiuchus ».

Au cours de ses ultimes confidences à Gus, qu’il estime et qui doit normalement mourir avec lui, le Bulb révèle avoir conditionné certains embryons encore en couveuse pour semer un grain de révolte parmi ces Terriens qui l’habitent.

Pendant toute une période, Lien Rag croit et affirme avoir été conditionné par un gène d’éveil qui serait responsable de son activité subversive.

Condor

C’est le nom d’un vieux sage et chef andin qui le tient du fait qu’il serait le dernier à avoir vu un condor – oiseau – vivant. Les qualités de l’homme sont mises en évidence lorsqu’il accueille Lady Diana et Yeuse fuyant les Aiguilleurs. Il se montre généreux et réfléchi, mais il est intraitable lorsque le réchauffement appauvrit sa communauté.

Conseil oligarchique

Organisation secrète composée par les principaux actionnaires des grandes Compagnies et chargée de veiller au maintien de la société ferroviaire. Elle doit surtout éviter que les secrets la justifiant ne soient dévoilés. C’est elle qui, par l’intermédiaire de Lady Diana, lance les Tarphys à la poursuite de Lien Rag.

Contraception

Les relations amoureuses entre les divers personnages sont nombreuses et les seuls à donner naissance à des descendants sont Lien, Kurts et Jdrien… sans que l’on sache exactement par quel moyen les femmes que les autres rencontrent parviennent à ne pas être fécondées. On peut supposer la stérilité sélective des hommes et des femmes de la Terre – à l’exception de Jael, demi-sœur de Liensun –, puisque Kurts a un enfant d’une habitante du Bulb et Jdrien des enfants avec des Rousses.

Yeuse, implicitement jalouse de Jael, s’étonnera même de ne pas avoir eu de descendance.

Couleur

Dans la mesure où le « ciel croûteux », constitué des poussières de Lune, ne laisse passer qu’une lumière grise et terne, on peut seulement imaginer des couleurs fades, sans éclats, peut-être dans les tons pastel.

La couleur donc est toujours remarquée, elle traduit une différence physique, de comportement ou géographique. On notera :

— certains de ses aspects érotiques à propos des Roux ou des Rousses (fourrure d’une belle couleur fauve – son sein droit émergeait de sa fourrure clairsemée. Une tache d’un rose beige. Plus bas le sexe s’épaississait de poils plus sombres) ;

— le blanc laiteux de Jelly ou quelques touches éparses : Une plaine couleur vert-de-gris avec des taches plus sombres, presque noires ;

— et enfin dans une baie australienne, quelques taches colorées de fleurs sauvages.

Démocratie

Il n’est jamais question ou presque de ce système politique, sauf quand ce régime est une des volontés du Kid pour organiser sa Compagnie. En revanche, les personnes qui gouvernent, quel que soit leur mode de gouvernement, sont – bien qu’entourées de conseillers ou de techniciens – généralement autoritaires. Les approches de démocratie directe, c’est-à-dire lorsque les décisions sont prises après un vote, sont faites par un petit nombre d’individus, d’associés autour des mêmes intérêts. Et alors que les conditions du plein exercice de la démocratie sont réunies, on constate bien souvent l’échec de ce système. On peut ainsi conclure que ce n’est pas le principe qui est mauvais mais ceux qui l’appliquent.

Dieu

Peut-être un des éléments les plus flous de La Compagnie des Glaces.

D’une part, les recherches de Lien Rag sur l’origine des Roux l’amènent à considérer qu’ils vénèrent, en bons monothéistes, un dieu unique mais présenté sous plusieurs formes : le Loup Rouge, puis à constater qu’ils adorent un Dieu-Sel ou un Dieu-Sucre, selon leur origine et quelque part il est dit qu’ils sont polythéistes.

D’autre part, ce sont les Hommes et les Femmes de Dieu – prédicateurs, religieuses, espions ou défenseurs de l’ordre établi – et tous leurs instruments (cathédrale de verre, station religieuse) qui importent le plus. Le désir des « religieux » d’instaurer une succession logique des papes, représentants terrestres de Dieu, les amènera pour la justifier à dater faussement l’origine de la glaciation.

Jdrien sera considéré comme le Messie des Roux, dont le professeur Harl Mern, dans un moment de folie, prétendra que l’origine remonte à Jésus-Christ.

Pour certains le Soleil est un dieu et ces Rénovateurs dits « mystiques » organisent des « messes » pour le prier et précipiter son retour.

Le seul « Dieu » mentionné clairement comme tel serait plutôt une déesse puisqu’il s’agit de la Locomotive de Kurts. Un culte lui est dédié par les plus démunis qui voient en elle le support d’un avenir meilleur, sinon radieux.

Dirigeable

« Inventé » par les Rénovateurs scientifiques, après leur première tentative pour faire réapparaître le Soleil et l’étude d’un baleineau mort. Il marque aussi la scission du groupe. Une partie restant sur le rail, et l’autre fuyant par la voie des airs avec comme première intention de se servir de l’appareil pour lancer des tracts justifiant leur mouvement.

Ces engins serviront à tout – transport, évasion, guerre et même au rêve – malgré quelques accidents mortels et l’adjectif « sacrilège » qu’un titre leur attribue.

Distance

Notion impressionnante car, malgré les précisions de vitesse et/ou de kilomètres parcourus sur la Terre recouverte de glace, sillonnée de rails, et à demi cartographiée, les distances sont difficilement appréciables. On pense bien que dans certains cas le héros parcourt une longue distance mais cela peut paraître dérisoire au vu des aventures qu’il vit.

Seuls les Roux, capables de marcher deux cents kilomètres par jour, donnent une idée du chemin parcouru.

Peut-être que la possibilité de suivre la progression d’un personnage sur une carte donnerait une idée plus juste des distances.

Autre élément de mesure, la longueur des trains. Si l’on prend comme référence la longueur des wagons en service aujourd’hui.

Docteur

Le plus important d’entre eux – peu nombreux – est sans doute le petit docteur Isaie, transfuge du groupe religieux du père Faro. Obsédé sexuel et alcoolique, il aidera Gus à soigner le cancer du Bulb et permettra au cul-de-jatte de revenir sur Terre avec deux jambes reconstituées à partir de ses moignons.

Un médecin des pauvres aidera Yeuse et Lady Diana à échapper aux Aiguilleurs.

Un autre déterminera que le fait d’être en permanence dans un train, pour les travailleurs intérimaires par exemple, est générateur de troubles de la circulation sanguine.

Enfin, ceux qui dans l’entourage du pape annoncent au Kid qu’il ne passera pas l’hiver austral.

École

Pas de vraie école sur la planète glacée sauf, comme il faut s’y attendre, chez les Rénovateurs réfugiés dans les Échafaudages tibétains. Et si Jdrien, prisonnier de Lady Diana, dispose de précepteurs, ce sont avant tout des surveillants.

On peut donc légitimement se demander où les chercheurs, techniciens et autres scientifiques qui apportent leur concours à cette civilisation glaciaire ont appris tout ce qu’ils savent. La réponse est évidente : dans les diverses universités, du moins celles créées par le Kid dans sa Compagnie de la Banquise, car la politique plus ou moins fascisante des autres Compagnies vise surtout à maintenir les individus dans une ignorance facile à manipuler.

Écrivain

Lien Rag et Skoll, un métis de Roux, recherchent un temps un écrivain du nom de Oun Fouge, auteur d’ouvrages scientifiques et qui aurait publié un livre sur l’origine des Roux intitulé La Voie Oblique. Ils feront circuler clandestinement ce livre.

La grand-mère française de Lien Rag rédigera Les Mémoires d’une femme de langue française mais sera plus reconnue – par quelques élus – pour ses talents de télépathe que pour ses qualités d’auteur.

Zeloy, un journaliste, se proposera de rédiger une biographie de Lien Rag et enquêtera sur ses traces.

Un seul authentique écrivain (et, humour ou dérision, son nom est un anagramme d’Arnaud) : Ruanda. Auteur de plusieurs romans avant de rencontrer Yeuse, il deviendra célèbre et connaîtra un grand succès grâce à une pièce de théâtre longtemps à l’affiche du théâtre de la ville culturelle de Kaménépolis. Il épousera Yeuse mais mourra solitaire d’un cancer du foie.

Élevage

De celui d’esturgeons, dans des lacs artificiels et coûteux, à celui des rennes qu’il faut protéger des loups, en passant par les lamas ou les moutons pour la lanoline qui régénère, ou les deux têtes d’ovibos apprivoisées par Jael, tout ce qu’il est possible d’élever est élevé. Ainsi la vieille opposition entre nomades et sédentaires perdure mais en inversant les rôles. Les sédentaires élèvent dans des lieux fixes et les nomades circulent parce que c’est une des obligations du système.

Enfant

Présents à au moins deux titres : fils et filles de personnages principaux ou silhouettes jouant un rôle secondaire, à l’importance variable selon l’âge.

Silhouettes, ils font partie du décor et montrent la vie de la terre glacée comme ceux qui meurent attirés par Jelly, qui tirent leurs clients sur un tapis dans les wagons-bibliothèques, qui attaquent les adultes pour se nourrir, qui sont allaités. On notera la précocité des enfants Roux.

Plus vieux et passionnés, ils sont porteurs d’idées pour avoir déniché de vieux illustrés, de vieux livres qui les font rêver ou bien se révèlent monstres politiques chez les C.C.P. qui estiment que passé trente ans les individus sont des vieillards inutiles.

Lien Rag a eu trois enfants de trois femmes différentes : Jdrien, métis de Rousse, Liensun qui lui est « extorqué » par la grosse Sunny avec la complicité de Jael, et Fleur, sur le tard et selon toute apparence non voulue, avec Jael. Les aventures des deux premiers nourrissent une grande partie de la saga et nous les voyons devenir adultes. Leur don de télépathe qui s’estompe progressivement et leur importance empêchent de les considérer comme de véritables enfants, et ils ne semblent pas avoir eu d’enfance.

Kurts le pirate a un fils, Kurty, d’une femme vivant dans les marécages de Bulb. Sa prime enfance est mise en évidence par le fait qu’il faut, à la mort de sa mère, lui trouver une nourrice. Ce sera Gueule-Plate, une chèvre-garou. Le duo Kurty-Gueule-Plate aura un rôle important, et Kurty orphelin trouvera auprès d’un autre orphelin, Gdami, le compagnon de son adolescence.

Jdrien, après une enfance agitée, vivra pendant un temps, auprès des Roux qui l’ont sauvé et reconnu comme Messie, une vie plus calme. Il aura deux filles d’une Rousse. Mais cette épouse et ses enfants seront tués par les Harponneurs et Jdrien disparaîtra sans descendance, comme il se doit peut-être pour un Messie métissé.

Farnelle, lorsqu’elle apparaît, a déjà deux enfants, Gdami et Gdano, métis de Roux. Régulièrement traités de gamins, de gosses insupportables et plus encombrants qu’autre chose. Gdano mourra avec Jdruk-Kurts en essayant de pénétrer dans la Locomotive. Gdami apprendra auprès de Zabel comment devenir pilote de navire, puis deviendra son amant et se fera accepter de tous par un comportement audacieux et réfléchi.

Le Kid n’aura pas de descendance directe mais il se considère comme le père adoptif de Jdrien et de Rewa, une Enfant-Jonas rescapée d’une Solina morte et qu’il a recueillie avant de la rendre à son peuple. L’enfant l’appelle Doj et il est fier de ce surnom dont il ne connaît pas la signification. On notera que les Roux traitent le Kid, avec ses jambes courtes, de Bébé et bien sûr le nom du personnage est lui-même en référence au film de Charlie Chaplin : Le Kid (titre que l’on peut traduire par « l’enfant »).

Ma Ker la Rénovatrice n’aura pas non plus de descendance, mais elle adopte Liensun et le protège.

Accessoirement, la référence à l’innocence enfantine sert pour donner une image attendrissante : elle dormait paisiblement, pelotonnée dans l’angle que faisait le lit avec la cloison, et, malgré ses bottes d’ogresse, ressemblait à une enfant.

Le fait de leur attribuer des prénoms comme Chloé, Ariel, Diana ou Lucile, rend plus émouvante la découverte des cadavres des petites filles de la famille Bermann Veriano.

On notera enfin que le personnage principal de la pièce de Ruanda est une enfant.

Érotique/isme

On peut avoir l’impression que les relations sexuelles entre les personnages sont nombreuses, mais l’on peut aussi considérer que leur fréquence est « normale » dans la mesure où elles ne sont pas qu’un simple acte. Elles ont pour autre fonction de faire avancer l’action, d’établir un rapport de force ou de donner du corps à un personnage.

Si Yeuse joue à imiter Marilyn et suggère ainsi une certaine sensualité, Floa Sadon est, elle, présentée comme se promenant quasiment toujours nue sous sa combinaison ou bien en allumeuse et nymphomane avec manteau de fourrure et cuissardes. Elle a de plus la réputation d’être frigide, ce que démentiront ses relations avec Lien, Kurts et Yeuse. Floa Sadon se retrouve souvent sur un lit, écartelée et prise de folie érotique, c’est d’ailleurs la seule solution qu’elle trouve pour mettre fin à ses disputes avec Kurts.

On peut aussi établir que la relation entre Kurts et sa Locomotive relève d’un érotisme certain.

Mais c’est sans conteste la relation entre Yeuse et Jdrien qui est la plus érotique. Enfant, et par le biais de son pouvoir télépathique, il s’insinue mentalement dans les ébats amoureux du couple Lien-Yeuse, superposant son image à celle de son père dans l’esprit de la jeune femme.

Liensun entretient avec Yeuse un érotisme plus violent, le même sans doute que celui qu’il pratique avec Ann Suba.

Les rapports entre le professeur Charlster et ses jeunes « étudiantes » relèvent un peu de la perversité, poussée à l’extrême lorsque ces étudiantes sont « jouées » par des prostituées. Avec Murmose, laideron obèse et fille d’un riche bonze de China Voksal, Liensun pratique aussi la perversité en lui imposant des relations particulières et en obligeant la jeune femme à se prostituer pour obtenir auprès de notables influents les moyens de construire son dirigeable.

Dans le Bulb, avant l’arrivée de Grathe, tout se joue entre Thresa, Gus et Isaie, une femme et deux hommes.

Pas d’érotisme chez les Roux, dont la fourrure et le sexe « démesuré » inspirent aussi bien fantasmes et érotisme que violence aux Hommes du Chaud. Chez les Hommes du Froid la relation sexuelle relève simplement de la pulsion. Pas de fantaisie érotique non plus sur Chimère où le comportement amoureux est strictement codifié et de plus conditionné par la nécessité de perpétuer l’espèce. L’épisode de Lien Rag devant sacrifier à cette nécessité, en échange d’huile pour sa vedette, est très significatif de ce que cette absence de fantaisie peut engendrer comme malaise.

Famille

La grande famille des Ragus, issue des colons d’Ophiuchus, est le cas particulier qui fait figure d’exception. Tous ses membres se distinguent par un sang différent de celui des Terriens. Cela permettra à ceux qui le traquent de suivre Lien Rag à la trace.

De l’autre côté, Lady Diana est la nièce de Palaga le Maître Suprême des Aiguilleurs, cela sous-entend une autre famille. En fait la même, celle des colons.

Mais le fonctionnement familial (père, mère, enfant) n’existe pas, du moins pour les personnages principaux. Sinon sous la forme de famille mono-parentale et souvent avec un enfant adopté (Yeuse-Jdrien, le Kid-Jdrien, Ma Ker-Liensun). En fait, on ne parle jamais des parents de Yeuse – sauf pour se demander pourquoi ils lui ont donné ce prénom – ou de ceux de Lien Rag – en revanche sa grand-mère joue un rôle important. On imagine par contre plus facilement que l’éducation de Fleur sera faite par ses deux parents puisque les glaces ont disparu.

On peut aussi considérer que les personnages principaux survivants à l’apparition du Soleil constituent une grande famille unie par un même intérêt, un même souci de démocratie opposé au fonctionnement de la société ferroviaire.

Pour les autres, ce sont en général des familles moyennes de un ou deux enfants qui mènent une vie « normale ». On notera une famille musulmane dont le père ne parlera jamais avec Jael venue lui proposer un marché, laissant sa femme mener la transaction et lui rendre compte avant de prendre sa décision.

Femme

Qu’une lecture rapide ou un peu étriquée de La Compagnie des Glaces ne nous égare pas : elle propose une image de la femme ni faussement gentille ou complaisante, ni une version sexiste relativement fréquente dans la science-fiction.

À mon avis, Arnaud envisage d’abord la femme comme un individu à part entière avant de la considérer en fonction de son sexe. Cela lui permet d’éviter les écueils des clichés habituels. Si les femmes se font objets, c’est parce qu’elles le veulent bien et non parce que ce serait dans leur nature. Si elles sont aussi perverses que les hommes, c’est parce qu’elles ont un but, qu’elles savent analyser les actes et les personnes.

Toutes les femmes de La Compagnie des Glaces ont une personnalité forte et leurs rapports aux hommes ne sont de complaisance ou d’animalité que lorsque les situations l’exigent.

Yeuse, Ann Suba ou Farnelle par exemple réfléchissent leur comportement avec une certaine lucidité, celle qui manque parfois à Floa Sadon.

Ainsi on trouve une grande diversité d’éléments féminins : de la « méchante » mégère à la jeune fille fragile et gentille, en passant par la froide calculatrice. De la très jolie à la moins digne d’inspirer un sentiment quelconque. De la plus mince à la plus mafflue et lourde. De la jeune à la vieillissante. De l’adultère à la fidèle.

Toutes ont aussi un regard peu complaisant pour les hommes et leur façon d’être.

En ce sens La Compagnie des Glaces propose une vision de l’individu très réaliste, peu soucieuse des modes et peut-être des clichés habituels du genre S.F.

Feu

L’expression : J’en mettrais ma main au feu prend, dans une histoire dominée par les rapports avec le froid, une résonance particulière.

On notera quelques types de feu.

Celui, « normal » en quelque sorte, qui brûle dans un poêle, un bidon ou une cheminée et chauffe une pièce. Comme celui entretenu en permanence au Dépotoir.

L’incendie volontaire, allumé pour détruire, qui occupe l’ennemi et permet la victoire. Ainsi le Kid, dans sa lutte contre la flotte de la Panaméricaine soutenue par la Guilde des Harponneurs, commet un sacrilège en incendiant la banquise, créant un lac de feu dans lequel sombre une partie des forces de l’envahisseur. Il s’attire, bien sûr, les foudres des gardiens de la « norme », comme si celle-ci existait en matière de guerre.

Un feu ne brûlant pas comme les autres, que les Tibétains ont baptisé le Démon du feu et que l’on découvre dans le Gouffre aux Garous : un feu nucléaire, dangereux et qui fait peur. Par ailleurs, un réacteur nucléaire récupéré par un des Rénovateurs sera l’enjeu d’une rébellion.

Le feu rougeoyant et permanent des volcans en activité dont le principal, Titan, est découvert par le Kid et sert de base à sa puissante Compagnie. Il fournit l’eau chaude et permet donc une culture sous serres de produits rares, et autorise la fabrication de dômes à base de silicium, ou la céramique, qui révolutionneront les villes et les transports.

Le feu de la fièvre des malades, bien sûr, mais aussi ceux (rouge ou vert) de la signalisation ferroviaire qui régulent le trafic.

On notera aussi que les Roux, qui se nourrissent de viande crue, ont une sainte horreur du feu.

Film

La majeure partie des références au temps d’avant la glaciation passe par le cinéma. Ainsi, des images de Marilyn qui servent de modèle à Yeuse, et il va de soi qu’il s’agit davantage de films de fiction que de films documentaires.

On trouve aussi des films vidéo de fiction diffusés par la télévision, mais leur débilité est vivement critiquée par Yeuse. Et des films tournés à partir des caméras de surveillance dans des endroits sensibles ou stratégiques. À Gravel Station, Gus découvre comment les Garous ont pu s’emparer des lieux. Le même Gus, dans le Bulb, utilise les caméras pour visionner la régression des poussières lunaires et se faire une idée de l’état de santé du satellite vivant.

Fleur

Les films retrouvés ont servi à reconstituer les lieux paradisiaques (clubs privés, domiciles particuliers) où s’enferment les riches actionnaires de la société ferroviaire. On trouve par exemple une imitation de Tahiti avec serveuse en jupe fleurie et fleur dans les cheveux.

Ces fleurs sont cultivées sous serre et leur coût est assez élevé.

Fleur est aussi le prénom choisi pour la fille de Lien Rag et de Jael.

La découverte de fleurs sauvages dans une baie australienne est le signe du renouveau qui marque la fin de l’aventure.

Folie

Les conditions dans lesquelles vivent les Terriens de l’époque glaciaire sont telles que la folie les menace souvent. Ceux qui s’aventurent loin des rails ont peur, ceux qui s’éloignent trop de l’inlandsis craignent l’effondrement de la banquise (au cours de son long voyage vers Titan, le Kid croira sombrer plusieurs fois). Et, bien sûr, chaque réchauffement de la température crée des mouvements de panique mortelle : le Kid y perdra une de ses compagnes. Le brouillard, les tempêtes ou la présence de Jelly, la solitude, génèrent aussi des comportements proches de la folie.

D’autres éléments, comme la découverte des loupés et des Garous et la lutte contre eux, peuvent faire douter l’individu. Dans Gravel Station, Yeuse est à deux doigts de devenir folle et un de ceux qui l’accompagnent s’abandonne à ses fantasmes et en meurt. Sans oublier le fait que Jdrien et Liensun peuvent provoquer des troubles du comportement chez ceux dont ils pénètrent l’esprit.

Dans un registre moins grave, Farnelle se plaint de ce que le comportement de ses enfants la rendra folle.

Les cas de folie « pure » sont rares. On notera celui du professeur Harl Mern qui, sur le point de mourir, révèle comme cruciale et sérieuse une origine christique des Roux, plus que farfelue. Il y a aussi la régression mentale de Lien Rag prisonnier du Bulb. Il se comporte comme un animal et ne retrouve lentement la raison que grâce à Gus. Enfin, l’attitude – relativement compréhensible – mais violente et dangereuse de Jdruk-Kurts devant le refus de sa Locomotive de le reconnaître comme son maître.

On qualifiera simplement d’obsessionnelles les recherches de Gus pour s’assurer de la réussite de l’opération qui lui a rendu ses jambes ; d’amorce de schizophrénie l’enfermement de Jdrien au plus profond de sa conscience, au moment de sa liaison psychique avec Jelly.

Pour terminer, on aura remarqué la folie adroitement simulée par le professeur Charlster, prisonnier de son train-pénitencier, pour échapper à Lady Diana, et celle meurtrière du Caudillo Herandez.

Fraternité

Il s’agit de Fraternité I et II, les camps installés au cœur de Jelly par une partie des Rénovateurs du Soleil dirigée par Ma Ker, pour échapper à ceux qui veulent les exterminer. Lieux dangereux qui ne survivront pas aux tensions qu’ils provoquent.

Fresque

Œuvre peinte par les lamas tibétains, à une date indéterminée, et découverte par Liensun dans les grottes des Échafaudages où ont trouvé refuge les Rénovateurs. Elle retrace l’histoire du monde, annonce le retour du Soleil et montre Liensun comme dangereux. Son aspect artistique n’est absolument pas mis en évidence.

Gastronomie / nourriture

Grâce aux rails, véritables cordons nourriciers, la Compagnie fournissait le courant, les marchandises, la nourriture, la culture et la distraction.

On s’en doute, ce que mangent les gens est tributaire de leur position sociale. De la ration de survie distribuée aux indigents, au caviar et aux oranges, plaisir des riches. L’alimentation principale est soit le poisson, soit la viande de baleine ou de phoque. Le reste est rare et cher. Les éventuels goélands ont une chair à goût de poisson et sont immangeables. Quant à la viande fossile, congelée, elle est considérée comme impropre à la consommation et surtout quand réapparaît le Soleil, elle se met à pourrir rapidement.

Dans le Bulb et sur une île découverte par Farnelle, on trouve du mouton et de l’agneau. Si, sur Terre, cela vient changer l’ordinaire des gens, là-haut, dans le satellite vivant, c’est une prouesse que d’empêcher les loupés de les manger avant vous.

Côté légumes, mis à part une ville productrice de choux et les îles épargnées par la glaciation, les notations sont rares en dehors du riz qui semble constituer une base alimentaire. Il en va de même pour les fruits, exception faite des serres du Kid où travaille Jael.

Côté boissons, le vin et le café sont des produits rares et chers.

C’est sans doute pour cela que l’on trouve peu de restaurateurs ou de cuisiniers dignes de ce nom, sauf chez le Kid qui se targue d’être un fin gourmet.

Les Roux prennent un certain plaisir à dévorer crus, tout juste arrachés à la bête, le cœur et le foie des animaux qu’ils chassent. Pour le reste, ils tressent des filets de graisse en bâton.

Le Bulb, quant à lui, se nourrit de pearl et de saus. Pearl pour légume et perle bien sûr, une sorte de haricot blanc… et saus pour sans doute sauriens ou viande (?). La restructuration opérée par les Ophiuchusiens sur l’animal lui a fait perdre l’usage de sa gueule (située comme chez l’oursin à proximité de son anus) et de son système naturel de digestion. Ce sont des micro-ondes qui « digèrent » les saus, dont les carcasses sont entreposées dans les cryo-magasins. On peut penser que cette transformation est à l’origine de son cancer.

G.E.D./ G.I.D.

Gisements Économiques Diversifiés et Gisements Intellectuels de Documentation. C’est-à-dire les lieux découverts sous les glaces et renfermant des données intéressantes quant à la production industrielle ou l’histoire de la planète. Des lieux riches en informations de toutes sortes, surveillés par une censure militaire et dont on ne sait exactement s’ils appartiennent effectivement au passé ou ont été recréés par les dirigeants pour falsifier l’histoire.

C’est dans l’un d’eux que le professeur Harl Mern déniche un vieux journal avec un article sur Terra, le vaisseau spatial de Bermann.

Glace

C’est la composante essentielle du monde de La Compagnie, et le héros de l’histoire est glaciologue. On comprendra donc facilement qu’elle soit la référence de base, même si par endroits, en Africania par exemple, elle est moins présente.

On mesure son épaisseur – parfois en kilomètres – et sa pureté – au milieu de la banquise.

Mais elle fait peur car elle est agitée de mouvements incontrôlables, et par endroits sa transparence la rend menaçante.

On la creuse pour franchir certaines zones. On constate alors qu’elle peut renfermer des richesses et des dangers : un bateau plein de liquide inflammable et un dépôt d’ogives nucléaires découverts par Lien Rag pendant le creusement du Tunnel.

On la creuse aussi en longs puits et tunnels, à la dynamite façon Jdrien, ou avec un simple couteau en os à la manière des Roux, dans leur guerre contre les Harponneurs.

Elle fond sous l’effet du sel, elle craque et angoisse ceux qui vivent à sa surface. On l’utilise pour fabriquer des igloos protecteurs, et sert de linceul (Un linceul de glace, fit Lien avec un humour sombre, pour des glaciologues. N’est-ce pas l’idéal ?). Elle se manifeste en congères énormes et voyageuses sous l’effet du vent. Elle est sapée en permanence par les masses d’eau qu’elle recouvre, et conserve ce qu’elle emprisonne (Yeuse et Lady Diana traversent en Patagonie un tunnel tracé au milieu d’un troupeau de bovidés).

On la travaille pour la rendre plus résistante, on en fabrique à l’aide de réseau de capillaires pour réaliser des ouvrages d’art.

Elle est, aux yeux des Terriens, faite pour durer longtemps : L’âge de glace durera encore au moins deux cents ans mais d’autres spécialistes pensent plutôt cinq cents.

Quand elle fond sous l’emprise du Soleil, le même phénomène de panique se produit comme à son apparition. Alors, elle se fissure, libère les fleuves qu’elle emprisonnait en de gigantesques jaillissements suivis de tsunamis, elle se fait iceberg et menace les navigateurs. Elle devient alors difficile à cartographier, formant des îles ou se transformant en fleuves de boue.

Globe

Le mot apparaît dans les expressions classiques : la surface du globe, et le dessin dans le sigle de la Transeuropéenne : un globe terrestre entouré par deux rails formant la lettre grecque oméga.

Gnome

Nain, avorton sont les diverses appellations du Kid. Toutes réalistes et désobligeantes. Elles traduisent dans la bouche de ceux ou celles qui les emploient la contrariété ou la colère que l’individu fait naître par ses agissements et son refus de se laisser contraindre par une quelconque autorité. On lui prête, à plus ou moins juste raison, un comportement de pervers. On notera que malgré sa petite taille, il devient à force de volonté un des personnages les plus puissants de la planète.

Grégorien

Culte en l’honneur du pape Grégoire qui, au moment de la Grande Panique, au lieu de fuir vers le sud comme tout le monde, part vers le nord en compagnie de sa Curie. Il aurait, selon un document découvert par Lien Rag, épousé une des femmes de la famille qui l’hébergeait et plusieurs enfants seraient nés de cette union. Il va de soi que les Néo-Catholiques ne peuvent admettre un tel comportement et refusent cette rupture dans la lignée des papes.

Les Ragus auraient célébré ce culte, et les descendants de Grégoire se cachent.

Grève

Moyen de pression difficile à mettre en œuvre sur ce monde glacé. Les représailles sont terribles et faciles à organiser. Dans la mesure où rien ne doit être immobile, à la moindre manifestation de mécontentement, c’est la ville entière qui est déplacée. Ainsi pour Iron Station dont les mineurs grévistes avaient de plus été envoyés en camp de concentration (sans que l’on sache exactement ce que recouvre cette expression).

On assiste à des grèves et manifestations des Aiguilleurs, des gens de la Traction.

Jdrien et Lien prisonniers songent à la grève de la faim pour obtenir un meilleur traitement.

Guerre

Elle est, comme la glace, un élément permanent de La Compagnie des Glaces.

La Transeuropéenne est en guerre contre la Sibérienne. Lien Rag participe aux combats pendant deux ans avant d’être gravement blessé à la jambe droite et décoré de la Croix de Guerre. C’est une guerre féroce et l’on a l’impression que ceux qui la font se préoccupent plus de la puissance de feu et de l’industrie qu’elle génère que des soldats qui y meurent. L’impression aussi qu’Arnaud se réfère ici à la guerre de 14-18.

Les patrons des petites Compagnies qui composent l’Australienne s’entre-tuent au sein d’une guerre de gangs. Arnaud se permettra même d’imaginer une Compagnie où les gangsters sont vêtus comme les acteurs des films américains sur la Prohibition.

Le Kid entre en guerre contre la Panaméricaine associée à la Guilde des Harponneurs. Puis, une fois vainqueur, après avoir outrepassé les « règles » de conduite de la guerre, livre bataille contre les Rénovateurs.

En fait, on peut dire que la guerre est le grand thème de La Compagnie. Les hommes luttent entre eux mais sont aussi en guerre contre les éléments.

Tous les personnages sont en lutte, en guerre d’influence ou économique les uns contre les autres. Et les héros n’échappent pas à la règle – au moins en vieillissant. Mais ils se comportent aussi de manière parfaitement altruiste. Ce sont les personnages secondaires qui, eux, ont un comportement égoïste généralement justifié comme l’expression de la bêtise.

Peut-être sont-ils aussi en lutte, en guerre contre eux-mêmes, à la recherche d’une identité que leur mode de vie leur interdit plus ou moins selon leur milieu social. Ils ne sortent vainqueurs de ce combat que lorsqu’ils trouvent un exutoire à leur lutte. Ce moyen d’être à part entière, ce moyen d’existence est généralement une raison « valable » de lutter : le Kid veut protéger Jdrien, Yeuse offrir à son peuple une démocratie, de la chaleur et de la nourriture, Kurts et Lien veulent comprendre…

Et ces guerres non seulement règlent la vie des héros, mais aussi celle des populations en créant des trafics de toutes sortes (combustible, carburant, aliments, informations, fausses nouvelles, etc.), des ruines, et les nécessaires restrictions et reconstructions.

En dehors de ses effets sur les populations ou les héros, la guerre est présentée, décrite avec une volonté manifeste de la dénigrer le plus possible. Elle est fracas, immensité des engins, froid des vaincus. C’est bien par les sens que l’on peut mesurer son importance, mieux sans doute que par les communiqués officiels (toujours plus ou moins mensongers – grâce aux omissions) et les listes de victimes.

Guerre peu présentée dans son déroulement mais dont les effets sont dévastateurs : la guerre civile opposant les habitants du Bulb. Guerre encore à coups de guérilla entre les hommes de Yeuse et les hommes de la Guilde des Harponneurs qui veulent s’emparer de son territoire.

Dernière guerre, celle que livrent les Roux contre la Guilde des Harponneurs. Guerre de survie et sans mort d’homme, sauf accidentelle comme celle de Jdrien au cours de sa tentative d’évasion.

Histoire

On peut la rencontrer sous trois aspects.

L’histoire de l’ère glaciaire depuis la Grande Panique, racontée par bribes et pour le moins contestée à propos de la succession des papes. Les lecteurs de 1984 se souviendront que la manipulation de l’histoire est une des caractéristiques des régimes totalitaires.

Cette histoire en cours se confond avec une partie des souvenirs des personnages, et le lecteur qui n’aurait pas lu tous les épisodes ou dont la mémoire serait défaillante trouve des informations qui, à défaut d’expliquer, replacent ce qu’il lit dans le contexte. On imagine les fiches qui soutiennent l’auteur dans son travail !

Ce sont sans doute les mêmes que celles préparées pour les récits d’espionnage dont le héros, Serge Kovaks, est un marin, romans d’Arnaud qui donnent la matière de l’autre histoire. Celle qui fait référence à notre temps, celle que les personnages découvrent au fur et à mesure de leurs pérégrinations. Elle est en filigrane et nous devons faire un effort de mémoire parfois pour nous souvenir des événements évoqués. Une manière d’impliquer le lecteur dans le monde, non celui des Glaces mais celui qu’il habite et auquel Arnaud attache beaucoup d’importance.

Enfin, dernier aspect de l’histoire, lui aussi glissé par touches, est celui qui fait référence à ce que nous avons appris : le gnome qui faisait l’aboyeur devant l’entrée du cabaret Miki en tenue de bouffon de François Ier. Elle permet de mieux donner à voir, mais on pourrait objecter que ce type de référence est peu crédible si, comme il en est convenu au début de La Compagnie, les survivants sont repartis de zéro. Cette objection ne résiste pas à l’analyse. Les habitants de la Terre glacée se transmettent l’héritage historique qu’ils ont sauvé.

Les personnages d’Arnaud sont des passeurs de patrimoine, des porteurs de traditions, et leur force réside dans leur capacité à être pleinement de deux époques : celle dont ils ont hérité et celle où ils vivent.

Homme

Excepté Liensun et parfois le Kid pour les personnages principaux, et quelques secondaires dont Faro, les hommes d’Arnaud se comportent d’abord en individus et non en machos ou en mâles soucieux de leurs prérogatives. Cela peut s’expliquer par le fait que les malheurs subis par l’humanité ont contraint les survivants à gommer les différences sexistes. Il est bien nécessaire de constater que les femmes agissent comme des hommes et se placent donc en situation d’égales.

Liensun et le Kid ont des attitudes machistes commandées sans doute par leurs problèmes personnels (absence de vraie mère pour l’un, nanisme pour l’autre). Mais seul le Kid se reproche parfois son attitude. Ils ne sont pas pour autant excusés et on se prend parfois à être « énervé » par leur comportement, d’autant plus que Gus, avec son infirmité, a avec les femmes une attitude particulièrement respectueuse. Lui a honte de ses moignons, sans doute parce qu’il a connu une vie avec des jambes.

On pourrait dire que les hommes d’Arnaud sont avant tout des vivants qui luttent plus pour s’imposer face aux éléments ou à des injustices que pour imposer leur volonté – exception notoire aussi de Jeb Interson l’avocat qui, sous prétexte de l’aide apportée à Yeuse, lui demande de satisfaire égoïstement un fantasme.

En fait, Arnaud propose une vision globale de l’homme – de ses défauts et qualités – à travers une galerie de personnages qui auraient comme particularité une ou plusieurs facettes d’un seul et même homme. On peut ainsi penser que le retour à des conditions climatiques « normales » réunirait en un homme nouveau tout ce qui était éclaté, éparpillé dans les hommes des Glaces.

On notera le regard critique du Bulb sur notre humanité et ses comportements. Il nous traite de mesquins et d’égoïstes, et cela semble normal dans la mesure où notre humanité l’a réduit en esclavage de manière parfaitement sordide… et lui a refusé le statut d’individu.

Hôpital

En principe toujours en circulation comme les bagnes et les trains de travailleurs intérimaires. Un peu comme si la maladie, le crime et le travail manuel devaient être mis à l’écart comme tares du système social. Les personnes blessées ne vont à l’hôpital que contraintes et forcées, et d’ailleurs on ne trouve pas beaucoup d’hôpitaux, sauf aux abords des fronts où se heurtent les soldats en guerre.

Ingénieur

On ne sait exactement où ils ont étudié et appris ce qu’ils savent, mais ils interviennent la plupart du temps comme spécialistes et parviennent facilement à trouver les solutions aux problèmes posés. Ils constituent une sorte de caste à part qui ne s’est pas organisée avec une hiérarchie et des rites. On les suppose présents en permanence dans le monde des Glaces, mais dans la mesure où on peut les considérer comme dangereux, parce que porteurs d’un savoir, ils semblent se cacher et n’apparaissent que lorsqu’on a besoin d’eux.

Seuls, peut-être, les Rénovateurs scientifiques peuvent-ils être présentés comme des ingénieurs différents, puisqu’ils ne sont au service que de leur cause. Dans la mesure où ils se recrutent principalement chez les universitaires, on comprendra que les chercheurs, ingénieurs, savants et autres penseurs soient considérés comme suspects aux yeux de ceux qui tiennent à conserver le pouvoir. Cela inciterait les ingénieurs à une certaine clandestinité.

Instruction/s